vendredi 27 janvier 2012

Un journaliste bloggeur victime de l’intolérance religieuse aux Maldives



Islamiste ou rien. C’est la politique mise en place par le gouvernement aux Maldives. Ismail Kilath Rasheed, un des journalistes les plus célèbres du pays, en a fait la douloureuse expérience. Son blog, www.hilath.com, a été fermé sur ordre du ministère des Affaires islamiques le 19 novembre 2011, pour cause de contenus “anti-islamiques”. 

La liberté d’expression est un privilège dont peu d’Etats jouissent de nos jours. Au classement mondial de la liberté de la presse, institué par Reporters sans frontières, les Maldives se placent à la 73ème position sur 179 pays en 2011. Ismail Kilath Rasheed, ancien rédacteur en chef du quotidien Haveeru, est un des rares journalistes de la blogosphère Maldivienne à prôner la tolérance religieuse. Et cela lui a joué des tours. Le journaliste a vu son blog fermé le 19 novembre 2011 par l’Autorité des Communications des Maldives (ACM), sur ordre du ministère des Affaires islamiques, qui ont jugé ses propos « anti-islamiques ». Il a également été arrêté et placé en détention le 14 décembre 2011, suite à sa participation à une manifestation pacifique en faveur de la tolérance religieuse.

La Constitution interdit de prôner d’autres religions que l’islam

Une censure politique que déplore Ismail Kilath Rasheed. Selon lui, son blog a toujours été dans la ligne de mire du ministère des Affaires islamiques, du fait qu’il est un musulman soufi et non sunnite comme la plupart des Maldiviens. Ses critiques envers le fondamentaliste religieux l’ont conduit en prison, d’où il a été relâché le 6 janvier 2012. Mais les charges qui pèsent contre lui demeurent on ne peut plus floues. Si la Constitution reconnaît l’ensemble des Maldiviens comme des musulmans sunnites, elle interdit aussi de prôner d’autres religions que l’islam. La manifestation pacifique et silencieuse à laquelle Ismail Kilath Rasheed a participé, durant la journée mondiale des Droits de l’Homme, aurait donc violé la Constitution des Maldives.

Le Religious Unity Act de 1994 puni très sévèrement le blasphème à la foi islamiste aux Maldives. La législation interdit aux médias de diffuser des contenus anti-islamistes ou relatifs à d’autres religions. Les peines encourues oscillent entre deux et cinq ans de prison. En mars 2010, le journaliste bloggeur avait déjà reçu des menaces de mort anonymes sur Internet. Il assure que son blog a été « la première victime d’une forte répression imminente de la frange musulmane conservatrice en charge du gouvernement ». Ismail Kilath Rasheed envisage de porter cette affaire au tribunal, car un site fermé par le gouvernement ne peut être rouvert que par une ordonnance de la Cour. 

La multiplication d’actes d’intolérance religieuse menace la démocratie Maldivienne

La fermeture du blog d’Ismail Kilath Rasheed, figure de la liberté d’expression dans son pays, a provoqué un tollé au sein de Reporters sans Frontières, défenseur de la liberté de la presse dans le Monde. L’organisation a déclaré que « la religion devient un sujet tabou aux Maldives qui menace les professionnels des médias d’emprisonnement à chaque fois qu’il est débattu. La détention illégale du journaliste rappelle l’impossibilité d’établir une presse totalement libre tant que le gouvernement se soumettra à l’extrémisme religieux dont fait preuve le ministère des Affaires islamiques ».

Si les incidents condamnant les professionnels de l’information restent rares, c’est parce que la plupart d’entre eux préfèrent s’autocensurer. Les médias ne sont pas libres d’aborder les sujets de leur choix aux Maldives, à cause d’une minorité de fanatiques qui imposent leurs lois. L’enjeu de la liberté d’expression est grand, encore plus depuis l’apparition d’Internet. Les bloggeurs indépendants n’hésitent plus à prendre de gros risques, afin de dénoncer les abus politiques, économiques et religieux. 


Sources : miadhu.com, rsf.org, minivannews.com 

dimanche 22 janvier 2012

CGNet donne une voix aux sans-voix


source photo: rise.mahindra.com

Dans le Chhattisgarh, le plus petit État de l’Inde centrale, les citoyens ont revêtus la fonction de journaliste afin de faire valoir leurs droits. Persécutés par des extrémistes maoïstes, ils utilisent internet comme outil de visibilité pour dénoncer les violations aux droits de l’homme dont ils sont victimes. Les grands médias indiens sont, pour la grande majorité, détenus par de grandes sociétés qui n’accordent guère de place aux préoccupations des tribus. C’est pourquoi le CGNet, site internet du peuple du Chhattisgarh a été crée.

CGNet est un forum citoyen qui permet de traiter les sujets que les médias traditionnels n’abordent pas ou ne peuvent pas couvrir. La population aborigène des Adivasis, résidant dans le Chhattisgarh, se bat quotidiennement pour ne pas être laissée pour compte. La tribu souffre d’un taux d’alphabétisation critique, car les Adivasis sont une des populations les plus démunies de la société indienne. Persécutés par les extrémistes de gauche indiens, les Adivasis se réfugient dans les forêts, isolés du reste de la société. Le premier ministre indien, Manmohan Singh, s’inquiète de l’insurrection sanglante menée par les maoïstes, qui pose un problème de sécurité des tribus résidant en Inde centrale.

Aucun journaliste professionnel n’exerce au sein de ces populations. Ils peuvent à peine communiquer avec elles. Si bien que les Adivasis ont dû eux-même s’improviser journalistes. Grâce au CGNet, ils ont pu dévoiler au grand jour les violations multiples des droits de l’homme dont ils étaient victimes et auxquelles la presse indienne ne s’était jamais intéressée. Une visibilité nouvelle qui a permis d’attirer l’attention des médias, et par la même occasion des militants des droits de l’homme.

Le CGNet fonctionne donc grâce aux jeunes Adivasis qui sont formés aux pratiques du journalisme citoyen. Ils apprennent ainsi à utiliser leur portables pour enregistrer les événements de leur zone géographique. Pour ce faire, les citoyens n’ont qu’à appeler d’un portable et laisser un message vocal, qui sera ensuite vérifié par de vrais journalistes. Leurs témoignages écrits et vidéos font ensuite l’objet de débats sur le forum. Depuis sa création en 2009, CGNet a reçu pas moins de 37 000 appels et a publié 750 reportages.

La réussite du groupe animant le CGNet est tel que le site a partagé son savoir-faire avec 80 millions de personnes, issues des communautés tribales voisines qui manquaient cruellement de moyens de communication pour faire entendre leurs voix. A l'origine de ce projet novateur mais risqué, Kamlesh Painkra et Shubhranshu Choudhary, journaliste indien ayant travaillé pour The Guardian et la BBC. Ce dernier a été récompensé pour son travail et a reçu de la part du Centre International des Journalistes la Knight Fellowhip, accordée chaque année à des journalistes internationaux.


vendredi 13 janvier 2012

Zinfos974 bouscule le journalisme Réunionnais




Il était une fois Zinfos974.com, premier pure player à faire son apparition sur l’île de la Réunion. Lancé en 2008 par Pierrot Dupuy, ex-candidat aux élections cantonales de Saint-Denis, ce journal en ligne a permis de métamorphoser la scène médiatique réunionnaise.

Le monde de l’information bouge à la Réunion. Avant pour s’informer, on avait le choix entre le JIR, le Quotidien, RFO ou Antenne Réunion. Depuis la naissance de Zinfos974, site d’actualité et d’information en continu, fini le journalisme molasse et neutre. Ce nouveau média représente une belle alternative à l’actualité formatée qu’on peut trouver dans les journaux nationaux.

D’autant plus que les informations sont rapportées en temps réel. Les journalistes de la rédaction tente de délivrer l’information avant tout le monde de façon à fidéliser leurs internautes. Ils disposent d’une heure pour couvrir un évènement avant de le publier sur le web. Avec en prime une vidéo pour les paresseux de la lecture. Mais Zinfos974 dispose d’un autre atout : ses « Zinfonautes ». Autrement dit, la participation de 24 correspondants locaux pour les 24 communes de l’île. Sans compter les internautes qui peuvent participer aux articles en envoyant leurs propres informations à la rédaction.

Le succès de Zinfos974 a été possible grâce à Pierrot Dupuy, patron et journaliste politiquement engagé qui s’en donne à cœur joie sur son blog. Ses prises de positions à la limite du politiquement correct ont donné une pertinence indiscutable aux informations que véhiculent Zinfos974. Au jour d’aujourd’hui, ce pure player comptabilise autant, si ce n’est plus, de fréquentations sur son site que les deux principaux quotidiens Réunionnais, le Quotidien et le JIR (Journal de l’Île de la Réunion).


jeudi 5 janvier 2012

Malaisie : le CIJ au service de la démocratie


 Source photo : thenutgraph.com

Le combat pour la démocratie ne se joue pas uniquement dans la rue, auprès des manifestants. Il se passe aussi sur Internet. Et certains Malaisiens l’ont bien compris. C’est le cas du Centre for Independent Journalism (CIJ), une organisation visant à réformer le journalisme et défendre la liberté de la presse en Malaisie.

L’histoire débute en 1998. Alors que la Malaisie fait face à une grave crise économique et politique, cinq journalistes, acteurs et activistes se lancent dans un projet ambitieux : créer un site web permettant au public d’analyser les problèmes et les enjeux politiques de l’époque. Fort de son succès, le groupe décide de créer le Centre pour le Journalisme Indépendant afin de faire évoluer la scène médiatique alternative. Aujourd’hui, l’organisation est mondialement connue pour sa lutte en faveur de la liberté d’expression et de l’accès à l’information par les populations les plus marginalisées.

Pourtant, le combat n’était pas gagné d’avance. Car en Malaisie, le gouvernement entretient une démocratie muselée. La société civile malaisienne exprime continuellement sa préoccupation concernant les fraudes électorales en faveur de la coalition au pouvoir. A l’heure où les manifestations antigouvernementales sont illégales, le web, lui, constitue « l'un des rares endroits encore accessibles où les Malaisiens peuvent exprimer leurs vues dans une relative liberté » d’après Amnistie Internationale. Internet a ainsi permis aux manifestants d’organiser des rassemblements dénonçant les manœuvres du gouvernement malaisien.

C’est précisément pour cette raison que le parti politique au pouvoir a étendu à la toile les restrictions imposées aux médias. Peu sont ceux qui se heurtent à ces lois répressives, car les opposants au régime risquent gros. Les délits sont passibles d'une amende maximale de 50 000 ringgits (13 800 $US) ou d'une peine maximale d'un an de prison. En septembre 2008, le blog politique controversé « Malaysia Today » en a fait la douloureuse expérience. Son fondateur et rédacteur en chef Raja Petra Kamaruddin, fut emprisonné pendant près de deux mois pour sédition et diffamation à l’encontre du vice-premier ministre Najib Razak. Le site, à l’époque bloqué, est désormais basé à Singapour. Il accueille plus de 1,5 million de lecteurs par jour, soit un lectorat plus large que celui des journaux favorables à l'Etat malaisien.

La société malaisienne s’empare de la blogosphère pour exprimer ses opinions, rarement rapportées dans les médias grand public qui subissent l'influence du gouvernement. Le web journalisme indépendant est une arme non négligeable quand il s’agit de défendre la démocratie. Le CIJ est le premier à dénoncer tout haut ce que tout le monde pense tout bas. D’autres pourraient l’imiter. Mais encore combien de temps faudra-t-il avant que les langues se délient en Malaisie ?