lundi 20 février 2012

Entretient avec Jérôme Boulle, rédacteur en chef de lexpress.mu


Jérôme Boulle pourrait être comparé à un vieux sage du journalisme. A la veille de sa retraite, ce journaliste a fait le tour du monde et connaît le métier sur le bout des doigts. Avant d’être directeur de l’édition électronique de lexpress.mu, le premier quotidien de l’île Maurice, il a été rédacteur en chef à l’express de Madagascar.  Diplômé de l’université de la Réunion et de Paris Dauphine, Jerôme Boulle a aussi eu une carrière politique de 20 ans au sein du MMM, un parti d’opposition mauricien. Il a accepté de répondre à mes questions sur le journalisme mauricien et ses spécificités.

Comment expliquez-vous que la plupart des journalistes mauriciens n’aient pas fait d’études ?

Il n’y a pas de formations en journalisme à Maurice. Celle donnée à l’Université de Maurice n’est pas adéquate, elle ne pas forme convenablement les jeunes à devenir journaliste. D’autre part, les journalistes sont très mal payés. Donc ceux qui font des études de journalisme à l’étranger ne reviennent pas exercer à Maurice. En début de carrière, les journalistes sont rémunérés 15 000 roupies (environ 400€). D’autre part, il n’y a pas beaucoup de perspectives d’avenir. C’est un petit pays, et il faut attendre longtemps avant d’atteindre un poste a responsabilité. Le salaire est lié à la promotion, donc beaucoup de jeunes choisissent de ne pas s’investir dans une formation en journalisme.

Qu’est-ce qui caractérise le journalisme mauricien aujourd’hui ?

Le journalisme mauricien est dans une phase transitoire, dans le sens ou il y a une mutation dans les sociétés de presse. Dans le temps, les journalistes étaient des élites mauriciennes. Maintenant, ce qui caractérise le journalisme mauricien c’est la jeunesse des journalistes. La moyenne d’âge est inférieure à 30 ans. On a un corps journalistique jeune, avec ses qualités et ses défauts. Fougueux, passionné, mais aussi inexpérimenté et qui manque de contacts. Les jeunes journalistes mauriciens sont foncièrement honnêtes.

Les Mauriciens s’informent-ils davantage sur Internet ou avec la presse écrite ?

La presse papier devance toujours le web à Maurice. Les personnes continuent à acheter leur journal papier, ils y sont très attachés. Le web existe dans un milieu social spécifique, le peuple ne va pas lire le web car toutes les familles n’ont pas un ordinateur à la maison avec Internet. En revanche, pour l’actualité quotidienne, le mauricien se repose surtout sur les radios. Mais le journal reste la tradition pour authentifier ce qui est dit ailleurs. La personne écoute la radio, mais elle va croire l’information uniquement quand elle la lira noir sur blanc, si bien que les ventes des journaux n’ont pas connue cette chute irrémédiable qu’on a connue ailleurs.

Avez-vous quelques chiffres qui attestent du succès de lexpress.mu ?

En 2008, le nombre de visite par mois étaient 432 000 ; maintenant, c’est 887 000. La moyenne des visites par jour est passée de 14 000 à sa création en 2008 à 28 000 aujourd’hui. Lexpress.mu est placé au 8e rang des sites les plus visités à Maurice, mais c’est le premier site proprement mauricien. 49% des lecteurs sont mauriciens, et 51% vivent à l’étranger, comme en France, en Angleterre, ou au Canada, dans tous les pays où se trouve la diaspora mauricienne.

Selon vous, l’avenir du journalisme se trouve-t-il sur Internet ?

Ce n’est pas l’avenir du journalisme qui se trouve sur Internet, mais plutôt l’avenir du journalisme d’actualité. Il se trouvera ailleurs : sur Internet, à la télévision, la radio et sur les réseaux sociaux. Mais le journalisme papier en tant que tel continuera à exister, parce qu’en même temps que se développe ces supports audiovisuels, il y a pour l’écrit une demande plus poussée. Pour l’actualité, l’avenir est dans les écrans, pas seulement sur Internet. Car l’information devient globale et rapide, on n’a plus besoin d’attendre. Ça le papier ne pourra pas le satisfaire. En revanche le papier peut satisfaire le lecteur quand celui-ci cherche un dossier, une analyse, un reportage découverte ou thématique. En même qu’il y a cette migration vers de nouveaux supports, il y a un développement des magasines de qualité. Aucun support n’a jamais tué un autre support médiatique. Au contraire, il le pousse à s’adapter et à s’améliorer.

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